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Quelles sont les infrastructures d'Internet ?

Auteurs et date

Introduction

Visionner un film en streaming, réserver un billet de train à n'importe quelle heure, régler à distance la température de son logement ou vérifier le trafic routier sur son itinéraire... autant d'actions rendues petit à petit possibles depuis les années 801 grâce à Internet. Ce réseau informatique mondial accessible au public permet le transfert de l'information sous différentes formes d'un bout à l'autre de la planète, presque instantanément. Internet permet également la navigation sur le web, entre autres nombreux usages. Mais comment ces informations sont-elles acheminées ?

Nous allons aborder dans cette fiche la succession d'équipements nécessaires au fonctionnement d'Internet, à travers ses différents usages. Les protocoles ou les couches logicielles mis en œuvre, font déjà l'objet de ressources pédagogiques disponibles sur Class'Code234 et ne seront pas abordés ici.

Le réseau local

L'un des usages les plus courant d'Internet est la navigation web. Naviguer revient le plus souvent à la manipulation d'un terminal par un humain, depuis un bâtiment. Ces terminaux peuvent être un ordinateur (fixe ou portable), un smartphone, une tablette, une télévision, une console de jeux vidéo, etc. D'autres objets du quotidien proposent également des interfaces web, comme les imprimantes ou les thermostats connectés.

Ces équipements sont capables de communiquer entre eux directement via le réseau local, par exemple celui de votre domicile, qui est la plupart du temps orchestré par votre box Internet. La communication peut également être gérée par un équipement réseau permettant le câblage des différentes pièces de votre maison, appelé switch ou commutateur. Votre terminal est connecté à ce réseau par un câble (usuellement appelé RJ455 en référence au nom de ses connecteurs) ou via le Wi-Fi6. Il est également possible que votre logement contienne des boîtiers CPL7 permettant le transfert de l'information via votre réseau électrique, ainsi que de répéteurs Wi-Fi selon la taille de votre maison.

Réseau local
Marie Chevallier, 2021
Le réseau local

Ainsi, avant même d'avoir quitté votre logement, il se peut que les données issues de votre ordinateur aient déjà transité par de multiples équipements réseaux avant de finalement atteindre la box mise à disposition par votre Fournisseur d'Accès à Internet (par la suite appelé FAI). C'est par là qu'elles quitteront ensuite votre réseau local pour commencer leur cheminement sur Internet.

L'interconnexion vers Internet

L'information va ensuite transiter sur les différents équipements réseau de votre fournisseur d'accès à Internet (FAI), à commencer par votre box. Ces équipements réseaux sont reliés entre eux, la plupart du temps par des câbles optiques ou cuivrés, comme les traditionnels réseaux téléphoniques véhiculant l'ADSL8. Ces équipements sont de natures très différentes : on va retrouver par exemple, à quelques kilomètres des habitations, les multiplexeurs (communément appelés DSLAM) auxquels les boxes Internet sont directement raccordées. Plus loin, les centres de traitement de données des FAI vont contenir des équipements permettant l'interconnexion des réseaux des différents FAI, nationaux et internationaux. Certains équipements servent à répéter les signaux, permettant ainsi à l'information de parcourir de plus grandes distances sans être altérée ; d'autres à orienter l'information vers la bonne destination, d'autres encore à filtrer les signaux. Ces filtres peuvent être de nature physique, pour séparer par exemple les appels téléphoniques des données Internet sur une ligne ADSL, ou logiciel (comme les pare-feux) pour par exemple mettre en œuvre des politiques de censure 9.

Internet
Marie Chevallier, 2021
L'interconnexion d'Internet

Selon la nature de ces équipements, par exemple une box fibre ou ADSL, l'information circulera sur des infrastructures différentes et à des vitesses différentes. Cette vitesse est communément caractérisée par le débit réseau, qui représente une quantité de données transmises par unité de temps. Ce débit est dépendant de la nature des matériaux et des technologies exploitées, ainsi que de la saturation des infrastructures que l'information va emprunter de bout en bout. Les fournisseurs d'accès mettent en avant le débit entre votre box et leur centre de données, mais le débit réel que vous constatez en naviguant sur le web va généralement être bien moindre : il va dépendre du débit le moins élevé rencontré sur l'ensemble des infrastructures que les données vont emprunter.

Tous ces équipements relient non seulement les particuliers entre eux, mais également les entreprises et l'ensemble des centres de données hébergeant les services numériques en ligne.

Cette toile physique constituée de la succession des équipements réseaux, des centres de données, des câbles et autres moyens de transfert de l'information et de l'ensemble des appareils connectés forme Internet.

Une grande hétérogénéité des accès

La box reliée au réseau par un câble en cuivre ou de la fibre optique n'est pas la seule manière de se connecter à Internet. En dehors du Wi-Fi, les smartphones utilisent d'autres réseaux sans fil (3G, 4G, 5G, ...) qui dépendent d'infrastructures d'un autre type : les antennes hertziennes, qui permettent de faire circuler l'information par la voie des ondes. Il est également possible de connecter un logement à l'aide de cette même technologie, via une box 4G. Certains sites techniques situés dans des régions isolées communiquent exclusivement par faisceau hertzien. Il est également possible de raccorder son logement à Internet par satellite, c'est l'objet par exemple du programme Starlink1011 de SpaceX qui envoie régulièrement des quantités importantes de nouveaux satellites en orbite.

Internet
Marie Chevallier, 2021
Hétérogénéité des accès à internet

De plus, tous les utilisateurs d'Internet ne sont pas des humains : il existe aujourd'hui une grande variété d'équipements qui communiquent par ce réseau en permanence. Dans nos logements, le plus commun est l'imprimante, désormais généralement intégrée au réseau local aux côtés de nos ordinateurs. Il est également possible de connecter sa montre, le thermostat de son chauffage pour le régler à distance, de la domotique pour allumer ou éteindre ses lumières et ouvrir ses volets depuis son smartphone, des équipements de surveillance comme une alarme, des capteurs de mouvement, etc.

À tous ces équipements du logement, il faut ajouter tout un ensemble croissant d'objets connectés. C'est l'Internet des objets12 (IOT en anglais pour Internet of Things). Les véhicules connectés, les capteurs des Smart Cities (lampadaires intelligents, panneaux de signalisation dynamiques, caméras de surveillance, etc.), les capteurs environnementaux, les appareils de santé connectés... autant de révolutions des pratiques qui augmentent de manière considérable les communications entre machines, appelées M2M (Machine to Machine)13. Ces évolutions des pratiques ont un fort impact sur les infrastructures d'Internet, et sur leurs chantiers d'évolution comme celui du déploiement de la 5G.

L'Internet, ça fait combien ?

Combien d'équipements composent Internet ? Combien de femmes et hommes travaillent au quotidien pour lui permettre d'exister ? Quel est réellement son impact environnemental ? Aucune de ces questions, qui peuvent pourtant paraître simples, n'a de réponse précise. Plusieurs facteurs rendent très compliqué le dénombrement des équipements, et globalement la mesure de l'activité, permettant Internet :

La variété des types d'équipement et des constructeurs : on ne sait pas combien d'équipements et de quels types sont fabriqués

L'hétérogénéité des matériels mis en œuvre ainsi que la multitude des constructeurs et de leurs nationalités rendent très incertains les essais d'agrégation des informations issues des centres de production. De plus, la catégorisation des équipements est rendue d'autant plus difficile que certains d'entre eux réalisent plusieurs fonctions en même temps et possèdent plusieurs interfaces réseaux.

L'absence de traçabilité d'activité : on ne sait pas quels équipements sont effectivement branchés sur Internet, sont utilisés pour d'autres usages ou dorment dans des placards

Tous les équipements pouvant être raccordés à Internet peuvent avoir d'autres usages, par exemple à l'intérieur de réseaux privés ou professionnels. En effet, tous les réseaux ne sont pas connectés à internet, mais les équipements utilisés sont identiques. De plus certains de ces équipements sont en attente d'être raccordés, ou stockés en cas de besoin.

L'absence de traçabilité de la fin de vie : on ne sait pas quels équipements sont encore en circulation

Aucune politique mondialisée de traitement de la fin de vie des équipements (la gestion des DEEE14 ) n'existe. Il n'est à ce jour pas possible de savoir si un équipement qui a été fabriqué est toujours utilisé ou a été jeté à la poubelle.

La mondialisation d'Internet : les politiques sont hétérogènes concernant la transparence et l'accès à l'information, et donc aux équipements connectés

Tous les pays ne permettent pas d'accéder à tout le contenu d'Internet : certains pratiquent la censure pour des raisons politiques, d'autres pour des raisons économiques. Internet n'est pas un réseau aussi transparent et accessible qu'on le croit : certaines parties d'Internet, et donc certains équipements réseaux et centres de données, ne sont accessibles que depuis certaines zones géographiques. A noter que même en France vous ne pouvez par exemple pas accéder à tous les contenus culturels disponibles sur le web pour des raisons de divergences juridiques entre pays, notamment de droit d'auteurs ou de diffusion.

Le secret industriel : le nombre d'humains mettant Internet en œuvre est inconnu

La force de travail nécessaire pour la mise en place des infrastructures et les opérations de maintenance est la plupart du temps couvert par le secret industriel. Beaucoup d'entreprises se disputent ces différents marchés, la plupart du temps avec une chaîne de sous-traitance assez complexe et opaque. Les gestions des bâtiments et des autres infrastructures privées hébergeant les équipements, ou des satellites, sont tout autant de mystères ne permettant pas de chiffrer avec précisions les impacts environnementaux d'Internet.

Il y a néanmoins plusieurs études qui tentent de fournir une partie des réponses à ces questions. Si les chiffres sont nécessairement des estimations basées sur un certain nombre d'hypothèses, leur ordre de grandeur reste néanmoins un indicateur utile pour appréhender la matérialité d'Internet. Selon Cisco15, l'un des principaux constructeurs d'équipement réseaux, en 2018 il y avait :

  • 3,9 milliards d'humains connectés à Internet, soit 51% de la population mondiale
  • 19.4 milliards d'appareils connectés à Internet, 33% d'entre eux étant de l'IOT

Avec une croissance annuelle constatée du nombre d'équipements de 10%, les projections de Cisco sur l'avenir annoncent presque 30 milliards d'objets connectés d'ici 2023. La connexion progressive des 49% de la population mondiale qui n'avait pas Internet en 2018, tout comme le déploiement de la 5G qui sera accompagnée d'une arrivée massive de nouveaux objets connectés, vont probablement accélérer cette croissance et augmenter ce nombre.

Milliards d'équipements connectés
Internet
Croissance du nombre d'équipements connectés, Cisco Annual Internet Report, 2018-2023

De plus, ces chiffres ne tiennent pas compte des centres de données ou des équipements réseaux composant le coeur d'internet, mais uniquement de ses extrémités.

Le site web participatif Infrapedia16 propose une cartographie du recensement des principales connexions et centres de données permettant le fonctionnement d'Internet. Ce recensement est basé sur la bonne volonté des professionnels à déclarer et à partager leurs données, il ne peut hélas pas être considéré comme exhaustif. Ceci dit, c'est un effort de construction participative de connaissances qui mérite d'être salué.

Internet
https://www.infrapedia.com

En 2015, GreenIt.fr publiait un article17 tentant l'exercice difficile de fournir une estimation chiffrée de l'empreinte annuelle énergétique mondiale du web, approximée à 1 037 TWh d’énergie soit l'équivalent de 40 centrales nucléaires. Bien que la démarche soit intéressante, les sources de données et les modèles utilisés dans ce calcul n'ont hélas pas été partagées, rendant ce résultat invérifiable.

En 2020, l'ARCEP publiait son rapport Pour un numérique soutenable18 dans lequel est mis en avant la part importante, estimée entre 70% et 80%, du dernier segment de raccordement réseau dans la consommation d'énergie, à savoir entre le FAI et le terminal utilisateur.

Au-delà de l'impact énergétique, il faudrait également pouvoir prendre en considération toutes les autres formes de pollution générées par l'ensemble du cycle de vie de ces équipements : l'épuisement des ressources naturelles, la consommation d'eau, la pollution des sols, l'acidification des milieux aquatiques, etc.

Internet contribue également à une autre forme de pollution, à travers des programmes comme Starlink : celle au-dessus de nos têtes, liée à l'augmentation massive du nombre de satellites et de lancements. L'agence spatiale européenne1920 (ESA) étudie sérieusement ce phénomène qui pourrait, à terme, saturer les orbites.

Pour aller plus loin sur les chiffres, une fiche concept dans ce Mooc leur est dédiée21.

Et Internet, demain ?

Rendre plus transparent le fonctionnement d'Internet, l'ensemble des matériels nécessaires, systématiser les mesures et modéliser ses impacts environnementaux sont tout autant de défis à relever. Les croissances fortement attendues, tant du nombre d'humains connectés que des usages et des équipements, doivent être anticipés et accompagnés de mesures permettant sa soutenabilité. Cette construction de connaissances et leur partage est capitale pour éclairer les choix de société, comme le lancement des grands chantiers d'évolution, le renouvellement des infrastructures ou l'évolution des réglementations en matière d'information et de régulation. La loi visant à informer les consommateurs sur l’impact environnemental de leurs consommations de données et le déploiement de la 5G en sont de parfaits exemples.


  1. Fabien Gandon. Histoire d'Internet [en ligne]. Disponible sur le site 

  2. Class'Code. Connectez le réseau 

  3. Class'Code. Principe de transmission de l'information 

  4. Class'Code. Structuration en réseau 

  5. RJ45 

  6. Wi-Fi 

  7. Courant Porteur en Ligne 

  8. ADSL 

  9. Censure d'Internet 

  10. Starlink 

  11. SpaceX lance 60 satellites simultanément. France Info, 06/06/2020. Disponible sur le site 

  12. Internet des objets 

  13. Machine to Machine 

  14. Les Déchets d'équipements électriques et électroniques 

  15. Rapport annuel Cisco sur Internet (2018 - 2023): https://www.cisco.com/c/en/us/solutions/collateral/executive-perspectives/annual-internet-report/white-paper-c11-741490.html 

  16. Infrapedia 

  17. Frédéric Bordage. Quelle est l’empreinte environnementale du web ? [en ligne]. 12/05/2015. Disponible sur le site de GreenIT 

  18. Pour un numérique soutenable [en ligne]. ARCEP, 15/12/2020. Disponible sur le site de l'Arcep 

  19. Point de situation sur les débris spatiaux. ESA. 10/2020 

  20. Space debris. ESA. Disponible sur le site de l'ESA 

  21. Fiche concept "Le numérique et l'environnement en quelques chiffres" Fiche concept "Le numérique et l'environnement en quelques chiffres"