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Où en est-on du recyclage ?

Auteurs et date
  • Date de production de la fiche : 12/07/2021
  • Emmanuelle Frenoux, Maitre de Conférence, Université Paris-Saclay
  • Juliette Chabassier, Chargée de Recherche, INRIA
  • Anne-Laure Ligozat, Maitre de conférence au LISN et à l'ENSIIE

DEEE - une définition

Un déchet est, légalement, un objet dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire. Cela peut donc être un objet encore fonctionnel.

Les DEEE correspondent aux déchets d'équipements électriques et électroniques. Ils regroupent tous les déchets d’équipements fonctionnant avec une prise électrique, une pile ou un accumulateur, ainsi que tous leurs composants et les consommables qui leur sont associés. Ils sont marqués du symbole de la poubelle barrée :

Cela comprend par exemple les produits d’électroménager, les ordinateurs, les congélateurs de votre supermarché, le fauteuil électrique de votre dentiste, ou les équipements réseau de votre fournisseur d'accès à internet. Parmi les DEEE se trouvent donc des déchets d'équipements numériques.

La gestion des DEEE suit théoriquement deux étapes principales :

  • la collecte, c'est-à-dire la récupération des équipements qui ne sont plus utilisés par les collectivités locales (déchetteries par exemple), les distributeurs (reprise en magasin), les acteurs de l’économie sociale et solidaire ou les éco-organismes (collecte directe dans les entreprises et organisations, collectes solidaires dans certaines villes...). Tous les DEEE produits dans un pays ne sont pas collectés : en France le taux de collecte était d'environ 50% en 2019 (source : Registre ADEME), et au niveau mondial de 17% (source : Global e-waste monitor1)...
  • le traitement des DEEE, en essayant de favoriser la réutilisation ou la récupération de tout ou partie des équipements. Les types de traitement possibles sont, par ordre de priorité (en théorie) : la préparation et/ou la réutilisation de l'équipement entier ou de sous-ensembles de l'équipement ; le recyclage matière (environ 75% des DEEE traités en tonnage) ; la valorisation énergétique (incinération avec récupération de chaleur) ; l'élimination (mise en décharge, enfouissement ou incinération sans récupération d'énergie).

En réalité, ces deux étapes n'ont pas toujours lieu comme indiqué précédemment pour la collecte. Une faible portion des DEEE collectés n'est également pas traitée en France.

La collecte

Principe et taux de collecte

Au niveau mondial, un consortium d'instituts a travaillé à établir une méthodologie d'estimation de la quantité de DEEE à partir des quantités d'objets mis sur le marché. Leurs conclusions sont disponibles et mises à jour régulièrement dans le global E-waste monitor1. Le taux de collecte dans chaque pays est ensuite calculé en utilisant le volume de DEEE collectés par rapport à cette estimation de la quantité de DEEE.

Comme indiqué précédemment, en France le taux de collecte était d'environ 50% en 2019, et au niveau mondial de 17%. Malgré des incitations récurrentes à rapporter ses DEEE dans l'objectif d'augmenter le taux de collecte français, une grande partie des DEEE ne sont donc toujours pas collectés mais résident dans des placards, partent aux ordures ménagères, dans la ferraille, ou encore en décharges sauvages ou dans des circuits informels, à l'export (souvent sous couvert de don).

Qui est responsable et effectue la collecte ?

Le principe de Responsabilité Élargie du Producteur implique la mise en place par les producteurs de la filière de collecte et de traitement des équipements. Ces filières sont en partie financées par une éco-taxe lors de l'achat de matériel électroménager neuf. Les équipements collectés (en magasin ou bien via une filière spécifique au fabricant ou encore en déchetterie) sont remis aux éco-organismes agréés pour traitement (réemploi, réparation, préparation au recyclage...).

Les producteurs français sont en outre tenus de déclarer annuellement au Registre de l'ADEME les quantités d’équipements électriques et électroniques mis sur le marché, collectés et traités. À partir de l’analyse de ces données, l’ADEME publie un rapport annuel permettant le suivi de la filière des équipements électriques et électroniques en France et le calcul des taux de collecte et de recyclage.

Quelle quantité d'équipements numériques dans les DEEE ?

Depuis 2018 en France, les EEE sont classés en 7 catégories d'équipements (échanges thermiques, écrans, lampes, gros électroménager, petit électroménager, informatique) avec un objectif de traçage et de suivi. En revanche, sur les sites de collecte, les flux sont plutôt organisés selon 6 grandes catégories, le numérique n'étant pas différentié des autres équipements.

On peut toutefois estimer la proportion d'équipements numériques dans chaque catégorie. En 2018, environ 18% de la masse des DEEE peuvent être considérés comme numériques (voir figure 1).

Figure 1 - Tonnage de DEEE par catégorie en France en 2018 (en milliers de tonnes) - Données extraites de Implementation of the WEEE Directive

La pollution engendrée (voir partie suivante) dépend plutôt de la composition des équipements et de leur complexité structurelle que de la masse totale. La pollution engendrée par les DEEE numériques représente donc certainement une proportion supérieure à leur 18% en masse : les composants des équipements numériques sont souvent miniaturisés et entremêlés à tel point qu'il est compliqué de séparer les matières pour les recycler, et cette séparation et ce recyclage se font au prix d'une pollution non négligeable (émission de gaz toxiques, utilisation d'acides, de grandes quantités d'eau, chauffage à très haute température, etc.).

Paradoxe de l'incitation à la collecte

Actuellement, le système de collecte et de recyclage est face à un paradoxe qu'on ne peut plus négliger : l'agrément des éco-organismes se fait exclusivement en fonction du poids de DEEE collectés, sans tenir compte du taux de réemploi atteint. Cette politique peut avoir plusieurs conséquences néfastes :

  • incitation des dits éco-organismes à intégrer au poids de DEEE tout le matériel collecté, sans mettre en place de réemploi, puisque ce dernier, bien qu'étant le choix le plus écologique, n'est pas pris en compte,
  • mise à disposition de bennes pour faciliter et "automatiser" la collecte : dans des bennes, le matériel est écrasé, ce qui le rend ensuite impropre au réemploi.

Le traitement

La chaîne de traitement

La prise en charge des équipements collectés mène à plusieurs voies possibles : la préparation à la réutilisation (environ 2% en France en 2019) ; le recyclage (environ 75%) ; la valorisation énergétique (environ 10%) ; l'élimination c'est-à-dire mise en décharge et enfouissement, ou incinération sans récupération d'énergie (environ 14%).

Figure 2 - Types de traitement des DEEE en France en 2019 - données extraites du registre Ademe 2020 (chiffres 2019)

En réalité, seuls 75% en poids des DEEE collectés sont donc injectés dans un véritable système de recyclage des DEEE (et ce chiffre est assez variable selon les types d'équipements). Compte tenu du taux de collecte en France (50%), cela ne représente finalement que 38% de la masse des DEEE générés (au mieux).

La préparation au recyclage se déroule généralement en six étapes (source : registre ADEME) :

  • le démantèlement (séparation de différents composants) et la dépollution (extraction des substances polluantes) ;
  • le broyage des équipements en morceaux de faible taille ;
  • une séparation électromagnétique des éléments ferreux à l’aide d’aimants ;
  • un tri optique qui permet de séparer les cartes électroniques, qui sont valorisées ultérieurement via un autre procédé de recyclage pour récupérer les métaux stratégiques contenus dans ces fractions ;
  • une séparation des éléments métalliques non ferreux (dont le cuivre) grâce à des courants de Foucault ;
  • une séparation des plastiques par flottaison ou tri optique.

Ces procédés conduisent à une récupération de 11% de la masse des matières en moyenne (chiffre 2019 pour l'ensemble des DEEE). À la sortie de ces centres de traitement de DEEE, les fractions de cartes électroniques, de plastiques, etc. sont acheminées vers des usines spécialisées qui à leur tour vont tenter de récupérer le plus de matières secondaires possibles qui seront réinjectées dans des usines de production de biens. A savoir qu'il existe très peu d'usines capables de recycler une grande diversité de métaux d'une carte électronique. UMICORE (en Belgique) et BOLIDEN (en Suède) sont les plus performantes en Europe ; il n'y a pas d'équivalent en France.

Les limites du traitement

En général, le traitement pour recyclage des DEEE a un impact environnemental moindre que la production des matériaux récupérés, et a donc un intérêt d'un point de vue environnemental : c'est le cas pour le cuivre, l'aluminium, les métaux précieux en général (or, palladium, argent) mais ce n'est pas le cas pour le tantale par exemple.

Cependant, son impact est loin d'être négligeable.

Les procédés industriels mis en jeu utilisent énormément d'énergie (dualité matière/énergie) afin de chauffer les matières à recycler à haute température.

En outre, pour dés-allier les métaux rares et les terres rares, il est nécessaire d'utiliser des acides, des sels, et de chauffer à très haute température (énergie).

Une des raisons de ces difficultés d'extraction des métaux est qu'ils sont intimement mêlés dans les terminaux miniaturisés, et tenter d'en extraire les éléments constitutifs (au sens chimique du terme) revient à tenter d'extraire les ingrédients initiaux comme la tomate et la courgette d'une cuillerée à café de ratatouille (allégorie librement inspirée de Philippe Bihouix).

Au final, le taux de recyclage des métaux des TIC est bas voire extrêmement bas (inférieur à 50% pour plus de la moitié d'entre eux, pour certains inférieur à 1%) et ne permet donc pas de couvrir 100% de nos besoins en matières premières, sans compter la perte à la fonte. La couverture à 100% de nos besoins n'est de toute façon pas possible dans un contexte où la demande de matériaux pour la fabrication de nos équipements ne cesse de croître (cf fiche concept "Quelles sont les limites de l’économie circulaire ?"fiche concept "Quelles sont les limites de l’économie circulaire ?").

En outre, le prix de certains métaux recyclés sur le marché peut être plus élevé que les métaux primaires, n'incitant donc pas au développement des filières de recyclage (référence : Les minerais dans l'économie circulaire : l'économie des métaux. Florian Fizaine. voir https://www.youtube.com/watch?v=FLq9bb3Befg)

Résumé graphique de la gestion des DEEE en France

Figure 3 - Flux de traitement des DEEE en France en 2019 en milliers de tonnes - données extraites du registre Ademe 2020 (chiffres 2019)

Glossaire

Éco-organisme : société de droit privé détenue par les producteurs et distributeurs pour prendre en charge, dans le cadre de la Responsabilité élargie du producteur (REP), la fin de vie des équipements qu’ils mettent sur le marché (source : Wikipédia)

DEEE : Déchets d'Equipements Electriques et Electroniques

ADEME : Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie

Sources utilisées pour ce document

Sources