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Comment lutter contre l'obsolescence programmée

Auteurs et date

Introduction

L'obsolescence programmée n'est pas un phénomène nouveau. Une de ses premières manifestations documentées date de 1924 avec l'instauration du cartel Phoebus dans le but de raccourcir volontairement la durée de vie des ampoules électriques. Elle a même été théorisée par certains dans les années 30 comme une « solution » à la crise économique de l'époque. Néanmoins, avec la prise de conscience croissante des impacts environnementaux dévastateurs de nos modes de production et de consommation, elle est de plus en plus remise en cause et combattue.

Un nouveau délit introduit dans la loi en 2015

Depuis août 2015, la France a introduit une définition légale de l'obsolescence programmée, comme « l'ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement »1. Exprimé autrement, il s'agit pour un fabricant ou un vendeur de réduire volontairement la durée de vie d'un produit, dans le but que les consommateurs en rachètent un nouveau plus fréquemment.

L'obsolescence programmée constitue désormais un délit, et peut engendrer des condamnations2.

Un délit difficile à prouver

Cette reconnaissance par la loi constitue une avancée notable, mais le délit est difficile à prouver devant un tribunal. Premièrement, la définition demande au plaignant de démontrer la double intentionnalité : c'est à dire que les faits reprochés ont été mis en place délibérément pour réduire la durée de vie d'un objet, ET que cette réduction vise consciemment à ce que les gens achètent plus souvent le produit (augmentation du taux de remplacement). La charge de la preuve ne facilite également pas les choses, en reposant sur le consommateur. Afin de répondre au premier point, un article de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale à l'heure où sont écrites ces lignes, vise à simplifier la définition légale actuellement en vigueur pour la rendre plus applicable.

Dans les faits en quoi ça consiste ?

Trois grands types d'obsolescence programmée peuvent être différenciés : technique, esthétique et logicielle.

On parle aussi fréquemment d'obsolescence prématurée. Ce terme souligne la durée de vie souvent trop courte, le manque de qualité et le fort taux de renouvellement de la plupart des produits de consommation, sans pour autant appuyer sur le caractère délibéré de la part des fabricants.

L'obsolescence technique se produit lorsque le bien ne fonctionne plus en raison de la durée de vie limitée de l'un de ses composants ou pièces essentiels et inamovibles. Elle peut aussi représenter le fait d'introduire un dispositif visant à limiter volontairement la durée de vie du produit après un certain nombre d'usages ou de cycles.

Elle peut être indirecte lorsque le fabricant conçoit son produit pour en limiter la réparation, ou lorsque les pièces détachées essentielles au bon fonctionnement du bien sont rendues indisponibles sur le marché. Le problème ici n'est pas seulement une durée d'utilisation réduite dans le temps, mais également d'empêcher le recours à la réparation en cas de panne, afin de ne laisser d'autre choix que de renouveler le produit. D'ailleurs, la complexité croissante des équipements rend les appareils de moins en moins réparables.

L'obsolescence esthétique ou culturelle vise à rendre démodés et peu attrayants les biens d'un point de vue psychologique pour entrainer leur renouvellement. Les processus de consommation sont alors accélérés par des stratégies marketing, de communication ou de design. Le produit est encore parfaitement en état de marche mais l'utilisateur est fortement incité à le renouveler.

Enfin, l'obsolescence peut être logicielle. Dans ce cas, elle repose sur le renouvellement des logiciels, dans les terminaux, et contribue à rendre incompatibles des appareils encore fonctionnels. Elle recouvre plusieurs techniques : la limitation de la durée du support technique logiciel par rapport à la durée d'utilisation réelle de l'équipement (notamment concernant le système d'exploitation), l'incompatibilité de format entre ancienne et nouvelle version du logiciel, ou encore la mise à jour des logiciels, qui les rend plus lourds et entraîne ainsi le ralentissement des appareils (phénomène d'obésiciel).

En raison de l'essor des objets connectés, ces pannes sont de plus en plus fréquentes sur des objets qui n'avaient que des soucis mécaniques ou électroniques auparavant (machines à laver, voitures, TV...). À noter aussi l'apparition de « verrous logiciels » sur certains produits, lorsqu'un fabricant bloque la réparation d'un produit hors de son réseau agréé via l'utilisation d'un programme informatique.

Pourquoi il est important de produire des objets plus durables ?

L'obsolescence programmée a de multiples impacts environnementaux. Elle implique un modèle de production-consommation de masse, qui :

  • est très gourmand et épuise les ressources naturelles en amont,

  • génère une masse de déchets souvent polluants et non recyclés en aval,

  • est à l'origine d'émissions de gaz à effet de serre conséquentes pour la production et le transport des biens concernés.

D'un point de vue social, c'est un phénomène générateur de frustration pour la majorité des consommateurs, qui souhaiteraient que leurs objets aient une durée de vie plus longue3, et qui a un impact économique sur le budget des ménages. Impacts environnementaux et sociaux sont souvent liés, puisque l'extraction des ressources naturelles ou l'envoi de déchets dans certains pays aux normes peu regardantes peuvent avoir des conséquences graves sur l'environnement et la santé des populations locales4, sans parler des conditions de travail souvent déplorables5.

Quelques chiffres :

  • En moyenne, 70 kg de matière sont nécessaires pour fabriquer un smartphone, dont 60 métaux différents6
  • Pour les appareils électriques à forte composante électronique, 80 % de l'impact carbone des produits se situe lors de la phase de production des matières premières7
  • Pour les smartphones, 85 à 95% des émissions de CO2 proviennent de sa fabrication8
  • Un français génère en moyenne 21 kg de déchets électriques et électroniques par an 9
  • Au niveau mondial, seuls 20% des déchets d'équipements électriques et électroniques sont recyclés10

La phase de fabrication et d'extraction des matières premières concentre pour la plupart des produits la majorité des impacts et pollutions.

L'allongement de la durée de vie des produits constitue donc l'un des leviers indispensables pour réduire l'impact environnemental de notre consommation.

Quelles sont les solutions pour allonger la durée de vie des objets ?

Du côté des fabricants, il est indispensable de :

  • Mieux concevoir les produits : en choisissant au mieux les matériaux ayant le moins d'impact possible sur l'environnement, en les rendant plus robustes, plus facilement réparables, plus adaptables aux évolutions technologiques et plus faciles à entretenir (on parle d'éco-conception) ;

  • Faciliter la réparation des produits : dès l'étape de conception, mais aussi en rendant disponibles les pièces détachées et documentations nécessaires, le plus longtemps possible et à un prix raisonnable ;

  • Mieux informer les consommateurs : c'est l'objectif de l'indice de réparabilité, et du futur indice de durabilité, tous deux développés en lien avec les pouvoirs publics, des fabricants, des vendeurs et des associations, dans le but de guider les choix des consommateurs lors de l'achat.

Les consommateurs ont aussi leur rôle à jouer et peuvent :

  • Entretenir leurs produits, et veiller à leurs conditions normales d'utilisation ;

  • Les réparer ou les faire réparer en cas de panne, lorsque cela est possible ;

  • Recourir à des produits d'occasion ou reconditionnés lorsqu'ils doivent absolument renouveler un équipement ou s'en procurer un nouveau ;

  • Donner une seconde vie à leurs anciens produits, en les donnant, les revendant ou les déposer dans des points de collecte dédiés ;

  • Ne pas renouveler trop souvent leurs équipements et uniquement lorsque cela est nécessaire.

Les pouvoirs publics (européens et nationaux) ont aussi un rôle important à jouer sur ces aspects, par exemple en fixant des objectifs et des exigences minimales de conception, en interdisant ou encadrant certaines pratiques, en établissant des critères stricts d'information du consommateur, ou encore en encourageant les filières de la réparation et du réemploi.

Pour aller plus loin :

Le site de l'association Halte à l'obsolescence programmée -- HOP : www.halteobsolescence.org

Le site du Club de la durabilité : www.clubdeladurabilite.fr

Sources


  1. Article L. 213-4-1 du code de la consommation 

  2. L'article L. 213-4-1 du code de la consommation prévoit des sanctions allant jusqu'à « une peine de deux ans de prison et de 300 000 euros d'amende. Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée, aux avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d'affaires moyen annuel »

  3. Parlement européen. Rapport sur une durée de vie plus longue des produits : avantages pour les consommateurs et les entreprises, 2017. 

  4. Cécile Bontron. En Chine, les terres rares tuent des villages [en ligne]. Le Monde, 19/07/2012. Disponible sur le site du Monde [09/07/2021] juillet 2012. 

  5. Les enfants qui travaillent pour nos smartphones. Amnesty International, 19/01/2016. Disponible sur le site d'Amnesty [09/07/2021] 

  6. Sénat. Rapport de la mission d'information sur l'inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, sept 2016. 

  7. Ademe, « Modélisation et évaluation du poids carbone de produits de consommation et biens d'équipement », sept 2018. 

  8. Lotfi Belkhir, Ahmed Elmeligi, Assessing ICT global emissions footprint: Trends to 2040 & recommendations, 2017. 

  9. The Global E-waste Monitor 2020: Quantities, flows and the circular economy potential 

  10. United Nations E-waste coalition, A new circular vision for electronics, Time for a global reboot, janvier 2019